Comité Balladur : l’occasion ratée, mais faudrait pas tout jeter !

Publié le 27 Février 2009

La lecture des 132 pages du rapport de la commission Balladur sur la réforme des collectivités territoriales provoque un peu partout des réactions négatives. Ces réactions du type « touche pas à mon département, touche pas à ma région » sont assez amusantes lorsqu’elles proviennent de l’UMP, parti du Président qui veut pourtant tout transformer ! On est en droit de rire un peu aussi lorsque certains élus locaux du département des Hauts-de-Seine hurlent au loup lorsqu’il s’agit de fondre leur département dans un Grand Paris, alors même qu’ils ne s’émeuvent guère de la main mise de l’Etat sur le territoire du Plateau de Saclay. Main mise autoritaire, sans concertation avec les populations et leurs élus.

Le premier travers du rapport Balladur, c’est de partir du principe qu’il faut absolument réformer pour faire des économies, parce que les collectivités locales dépensent trop. L’économie va donc se nicher dans un « il faut moins d’élus ». Voilà de quoi soutenir la démocratie locale !

Le Grand Paris proposé (Paris, Seine-St-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine) aboutit à ce que certains élus pourraient à la fois s’occuper du Grand Paris – dont les compétences regrouperaient celles des départements, des intercommunalités et une partie des compétences des communes du périmètre – et être élus régionaux. Le conseiller départemental pourrait à la fois siéger au conseil général et au conseil régional. Certes, c’est une façon de lutter contre une forme de cumul des mandats, mais il y a de quoi devenir un peu schizophrène. On peut légitimement se demander si l’un des membres du comité Balladur a réellement une fois dans sa vie exercé un seul mandat local en y mettant toute son énergie ! On peut aussi s’inquiéter de ce qui préoccuperait avant tout l’heureux double élu : son mandat territorial ou son mandat régional….Il me semble avoir déjà la réponse en analysant un tout petit peu le fonctionnement actuel des intercommunalités.

Ces collectivités dépensières (20 milliards d’euros en 2007) ne dépensent pourtant pas pour rien. Au contraire, leur poids dans l’activité économique est essentiel et leur rôle dans la vie quotidienne est fondamental. Si les dépenses des collectivités ont fortement augmenté ces 25 dernières années, c’est parce que d’une part l’Etat leur a transféré nombre de champs d’intervention et que d’autre part, la réponse aux besoins des populations passent de plus en plus par le niveau de proximité.
L’idée que la réforme est nécessaire pour faire mieux avec moins est une bonne vieille idée de droite. Idée qui ne s’applique bien sûr qu’à tout ce qui peut avoir un caractère « service public » et évidemment jamais à Total par exemple.

Ce qui manque aussi cruellement au rapport Balladur, c’est la réponse aux dysfonctionnements du gouvernement dans le partenariat avec les collectivités locales. Pour ne citer que deux exemples : le précédent contrat de plan Etat-Région avec l’Ile-de- France qui n’a pas réussi à lancer 13 opérations de transports en commun à cause du désengagement financier de l’Etat, et la non transmission du Schéma Directeur de la Région (SDRIF) au Conseil d’Etat pour que celui-ci soit applicable.

Vouloir plus de décentralisation ne signifie pas absence de l’Etat. La clarification des compétences de chaque niveau d’intervention est nécessaire : la situation actuelle n’est pas satisfaisante en ce qu’elle permet toujours à l’un des niveaux de dire « c’est pas moi, c’est l’autre » et qu’elle tend à déresponsabiliser les élus. Pour autant, cette clarification vaut aussi pour l’Etat, qui a la fâcheuse manie d’intervenir là où il ne devrait pas – et c’est particulièrement vrai en Ile-de-France – et qui par contre n’intervient pas là où il devrait.

Comme le souligne le rapport, mettre fin aux triples, quadruples financements pour un même projet (« financements croisés ») permettrait sans doute d’accélérer les procédures, et de clarifier qui est responsable de quoi…si tant est que les niveaux compétents aient les moyens de leurs politiques ! Et l'une des principales carences du rapport réside justement dans son manque de propositions pour organiser la solidarité entre territoires, parce qu’au final c’est quand même de cela dont il faudrait s’occuper avant tout.
L’annonce médiatique de la suppression de la taxe professionnelle en 2010 a ému légitimement les élus locaux. Cette annonce a déclenché une fausse joie de la part du Medef (« super ! mais faudrait pas remplacer la TP par une autre forme d’imposition ! »). Comme s’il était possible de penser – mais, oui, le Medef en est capable - que les entreprises ne contribuent pas au fonctionnement des collectivités locales où elles sont implantées… Le rapport Balladur préconise de remplacer la TP par une taxe sur la valeur ajoutée des entreprises et sur une taxe foncière revalorisée. Cette piste mérite réflexion approfondie !

Je ne résiste pas à pointer cependant la démagogie d’un passage du rapport : « Il est vrai que les entreprises ne votent pas et que la tentation est souvent forte, compte tenu du vieillissement des impôts fonciers, d’augmenter le taux de la taxe professionnelle, voire de créer des occasions nouvelles d’en percevoir le produit, à la faveur de l’implantation d’investissements lourds comme, par exemple, les éoliennes, sans égard pour l’utilité réelle de ces équipements, loin d’être démontrée, non plus d’ailleurs que pour leur impact environnemental. » Mais, de quoi je me mêle ? Du Grenelle ?

Le rapport souligne, côté finances toujours, la nécessité de révision des bases locatives de la taxe foncière, bases qui n’ont pas été revues depuis 1970 et qui fait que si vous habitez en HLM construit après 70 vous payez plus de taxe d’habitation que votre voisin installé dans son pavillon bourgeois. La mise en œuvre de cette révision serait une belle avancée !

Là commence le passage où je vais me faire plein d’amis : diminuer le nombre des régions, oui, d’accord ! En procédant d'abord à une large concertation avec les citoyens et les élus. Parce que celles-ci doivent atteindre une taille critique pour s’insérer dans un espace européen qui sera de plus en plus une Europe des Régions. Supprimer les cantons : encore oui, parce qu’en milieu urbain, ils ne correspondent à rien d’autre qu’à un découpage politique, permettant au dernier qui a découpé de s’assurer la part du lion. En milieu rural, ils permettent au conseiller général de s’assurer parfois l’éventuelle présidence de l’intercommunalité constituée au mieux, et au pire de briller dans les foires et kermesses chaque week-end. Mais alors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique, et proposer la suppression des conseils généraux ? Dans le millefeuille institutionnel, tant décrié par la commission Balladur, s’il y a un échelon à réformer, c’est bien celui-là ! D’autant que chacun s’accorde à dire qu’intercommunalités et régions représentent l’avenir. Alors, pourquoi ne pas redistribuer les compétences exercées par les conseils généraux aux régions et aux intercommunalités ?

D’accord aussi avec la nécessité que chaque commune ait intégré une intercommunalité à terme, mais là encore, la commission aurait pu aller plus loin en proposant de transformer les EPCI en véritable collectivités locales de plein exercice. Avancée notable sur le mode d’élection des élus intercommunaux, puisque ceux-ci seraient désignés sur les mêmes listes que les conseillers municipaux, de quoi permettre la représentation de l’ensemble des sensibilités et la parité !

Le Grand Paris : il fallait que la commission Balladur réponde à la commande présidentielle. Depuis 2 ans, le chef de l’Etat en a fait une ritournelle. Paris, la plupart des départements et la région Ile-de-France à gauche, ce n’est tout simplement pas soutenable pour notre Bonaparte de Président ! Si l’intercommunalité trouve grâce auprès des membres de la commission partout ailleurs, ce n’est pas le cas pour l’Ile-de-France. Encore une fois, la région capitale devrait « bénéficier » d’un traitement particulier. On a envie de leur répondre : ça suffit les exceptions ! Je rejoins bon nombre d’élus, à gauche comme à droite, qui trouve stupide de créer une nouvelle usine à gaz pour le centre de l’agglomération, une nouvelle frontière avec les autres territoires de la région, creusant encore plus les inégalités. Ce nouveau Grand Paris, avec ses nombreuses compétences, aurait de plus la particularité d’éloigner le citoyen de la prise de décision. Et bien entendu de diminuer le poids du Conseil Régional !
Mais cette proposition attire déjà tant de critiques qu'il serait étonnant qu'elle aboutisse....

Il est enfin dommage que la commission n’ait pas proposé le renforcement de la démocratie participative dans les collectivités locales.

Rédigé par Catherine Candelier

Publié dans #moi je...

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